mercredi 18 avril 2012

Bruxelles, tu es belle !

 
Deux heures.
Bruxelles, je te veux nue, je te veux dénudée, je te veux en feu.
Je veux te prendre, telle que tu sembles, et telle que tu es.
Bruxelles, je te scrute, je scrute tes rues et tes ruelles. Je veux relever cette jupe de bure, enlever cette lueur brumeuse et me muer en chercheur. Je veux te surprendre et en même temps que tu me surprennes.
Je furète en tes rues, je cherche… Seulement, qu’est-ce que je cherche ?
Tu restes muette ?
Je te sens très fleur bleue.
Je me sens seul.
Tu es rusée, certes, belle Bruxelles.
Je demeure têtu et te veux éberluée.
Je te reluque. Tes demeures se refusent, serrures fermées.
Le reflet d’une lune bleue de deux heures fuse d’une lueur prune sur tes secrets les plus sûrs.
Tu sembles secrète. Je mène l’enquête.
Je veux te mettre nue.
Dure le temps.
C’est l’heure.
Des fumées s’élèvent et m’emmurent d’une espèce de brume bleutée, belle et lugubre en même temps. Le vent murmure entre les murs des vers purs et me met d’excellente et heureuse humeur.
Brusquement, des pentes herbues ! est-ce une erreur ? quelques murets peu entretenus. Des ferrures usées. L’effet du temps.
J’entends un luth égrener ses murmures tendrement lugubres.
J’élucubre ce texte, très lentement. Je bute. Je bute sévèrement.

 Photo : Marie Nihoul

Une espèce de brute lutte sur une enclume. Un mec en sueur. Je pense que c’est un tueur. Nuque dure, muscles tendus, sueur perlée sur le buste nu. Un cube en fer. C’est le feu de l’enfer. Ce gueux éructe de sueur et de fureur : une belle enflure, c’est sûr !
Flûte ! Zut ! C’est lugubre. Ce mec me répugne. Je n’en peux plus.
Je me sens très seul. Bruxelles, que me veux-tu ?

Je guette et brusquement, j’entends tes rumeurs, tes humeurs rêveuses.
Bruxelles se lève, Bruxelles est levée.
Je me meus, tête nue, j’erre lentement, je recule, je scrute : c’est l’heure du lever de Bruxelles.
Je repère des gens. De plus en plus de gens. Les gens fusent, les gens beuglent, les gens pleuvent, les gens pullulent. Une nuée de gens. Des gens en pull, des femmes en jupe, des gens en béret, des gens en bleu, des gens en veste. Des gens prennent le bus (heu… erreur : des gens veulent prendre le bus !). Rue des Échelles, des gens bêchent, des gens creusent, quelques-uns vendent, des gens s’évertuent. Dès sept heures (que cette heure est belle !), Bruxelles se démène. Des nuées de grues remuent leurs squelettes de fer. Des gens se pressent rue Terre-Neuve. Les rumeurs enflent, et enflent de plus en plus. Rue Melsens, des gens prennent du thé. Rue des Prêtres, une pub : « les Belges, c’est plus sûr ! » Rue du Musée, des gens veulent une cruche de Leffe brune.

 Photo : Marie Nihoul
  
Rue des Écuelles, une femme, Hélène, semble tendue. Elle guette Gertrude. Elle reluque l’heure. Neuf heures ! Elle cherche Gertrude. Elle pleure presque d’être seule… Et, neuf heures trente, Gertrude est venue ! Les deux femmes prennent une Peerdebrug et se susurrent des secrets. Ces deux femmes semblent heureuses. Les gens de Bruxelles semblent heureux.
Rue du Peuple, un vendeur de fleurs me tend des bleuets, du muguet, des pervenches et des pensées. Je prends justement quelques pensées ; je les hume et me perds en elles.
Ce que je scrute, dès sept heures et sur une durée de deux heures, est-ce une étude de Brueghel ?!
Bruxelles est très juste. Bruxelles, tu m’émeus.
Quelle vertu ! Quelle pureté !

Je me sens rêveur. Je scrute tes rues. Elles me semblent plus sucrées, plus vertes et plus tendres. Bruxelles, c’est une bulle du temps. En cette bulle, je veux me détendre. Les gens de Bruxelles prennent leur temps. Les gens de Bruxelles me surprennent heureusement. Leur vertu en permet une juste mesure. Chut ! L’heure s’étend, heureuse et bleue. Bruxelles est bleue telle une prune.

Olivier Salon, le 11 avril 2012
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