Deux heures.
Bruxelles,
je te veux nue, je te veux dénudée, je te veux en feu.
Je veux te
prendre, telle que tu sembles, et telle que tu es.
Bruxelles,
je te scrute, je scrute tes rues et tes ruelles. Je veux relever
cette jupe de bure, enlever cette lueur brumeuse et me muer en
chercheur. Je veux te surprendre et en même temps que tu me
surprennes.
Je furète
en tes rues, je cherche… Seulement, qu’est-ce que je cherche ?
Tu restes
muette ?
Je te sens
très fleur bleue.
Je me sens
seul.
Tu es rusée,
certes, belle Bruxelles.
Je demeure
têtu et te veux éberluée.
Je te
reluque. Tes demeures se refusent, serrures fermées.
Le reflet
d’une lune bleue de deux heures fuse d’une lueur prune sur tes
secrets les plus sûrs.
Tu sembles
secrète. Je mène l’enquête.
Je veux te
mettre nue.
Dure le
temps.
C’est
l’heure.
Des fumées
s’élèvent et m’emmurent d’une espèce de brume bleutée,
belle et lugubre en même temps. Le vent murmure entre les murs des
vers purs et me met d’excellente et heureuse humeur.
Brusquement,
des pentes herbues ! est-ce une erreur ? quelques murets
peu entretenus. Des ferrures usées. L’effet du temps.
J’entends
un luth égrener ses murmures tendrement lugubres.
Une espèce
de brute lutte sur une enclume. Un mec en sueur. Je pense que c’est
un tueur. Nuque dure, muscles tendus, sueur perlée sur le buste nu.
Un cube en fer. C’est le feu de l’enfer. Ce gueux éructe de
sueur et de fureur : une belle enflure, c’est sûr !
Flûte !
Zut ! C’est lugubre. Ce mec me répugne. Je n’en peux plus.
Je me sens
très seul. Bruxelles, que me veux-tu ?
Je guette et
brusquement, j’entends tes rumeurs, tes humeurs rêveuses.
Bruxelles se
lève, Bruxelles est levée.
Je me meus,
tête nue, j’erre lentement, je recule, je scrute : c’est
l’heure du lever de Bruxelles.
Je repère
des gens. De plus en plus de gens. Les gens fusent, les gens
beuglent, les gens pleuvent, les gens pullulent. Une nuée de gens.
Des gens en pull, des femmes en jupe, des gens en béret, des gens en
bleu, des gens en veste. Des gens prennent le bus (heu… erreur :
des gens veulent
prendre le bus !). Rue des Échelles, des gens bêchent, des
gens creusent, quelques-uns vendent, des gens s’évertuent. Dès
sept heures (que cette heure est belle !), Bruxelles se démène.
Des nuées de grues remuent leurs squelettes de fer. Des gens se
pressent rue Terre-Neuve. Les rumeurs enflent, et enflent de plus en
plus. Rue Melsens, des gens prennent du thé. Rue des Prêtres,
une pub : « les Belges, c’est plus sûr ! »
Rue du Musée, des gens veulent une cruche de Leffe brune.
Photo : Marie Nihoul
Rue des
Écuelles, une femme, Hélène, semble tendue. Elle guette Gertrude.
Elle reluque l’heure. Neuf heures ! Elle cherche Gertrude.
Elle pleure presque d’être seule… Et, neuf heures trente,
Gertrude est venue ! Les deux femmes prennent une Peerdebrug et
se susurrent des secrets. Ces deux femmes semblent heureuses. Les
gens de Bruxelles semblent heureux.
Rue du
Peuple, un vendeur de fleurs me tend des bleuets, du muguet, des
pervenches et des pensées. Je prends justement quelques pensées ;
je les hume et me perds en elles.
Ce que je
scrute, dès sept heures et sur une durée de deux heures, est-ce une
étude de Brueghel ?!
Bruxelles
est très juste. Bruxelles, tu m’émeus.
Quelle
vertu ! Quelle pureté !
Je me sens
rêveur. Je scrute tes rues. Elles me semblent plus sucrées, plus
vertes et plus tendres. Bruxelles, c’est une bulle du temps. En
cette bulle, je veux me détendre. Les gens de Bruxelles prennent
leur temps. Les gens de Bruxelles me surprennent heureusement. Leur
vertu en permet une juste mesure. Chut ! L’heure s’étend,
heureuse et bleue. Bruxelles est bleue telle une prune.
Olivier
Salon, le 11 avril 2012
Cherchez la contrainte suivie pour écrire ce texte. Elle vous est révélée dans le premier commentaire.
avec seulement les voyelles de Bruxelles !
RépondreSupprimer