BRUXELLES
EN SELLE
100
000 000 000 000 de Sonnets de Sonnettes
Voulez-vous
savoir comment composer cent mille milliards de sonnets de sonnettes
à Bruxelles ?
Admettons
que la réponse soit oui ; voici donc comment composer cent
mille milliards de sonnets de sonnettes à Bruxelles.
Rassemblez
à Bruxelles un peloton de 10 cyclistes, sous la direction d’un
Commissaire et d’un Éclaireur.
Le
Commissaire et l’Éclaireur auront prémédité un trajet en
quatorze étapes : autant que de vers dans un sonnet.
Au
départ, à supposer que son Villo se détache de la borne
magnétique, le Commissaire annonce un mot qui conclura le premier
vers, par exemple « ville ».
Ce
premier vers sera composé dans la tête de chaque cycliste au cours
de la première étape.
À
première vue, seulement 10 sonnets sont en chantier ; mais
beaucoup plus on comprendra tantôt pourquoi.
Les
rimes successives s’inspireront un peu du parcours, beaucoup de la
verve du Guide ; par exemple : ville - file / tzar - bazar
/ sirène - freine (ou reine) / prison - horizon / antenne - ancienne
/ deux - feux / selles - Bruxelles.
Les
vers sont transcrits sur un carnet chaque fois que le peloton
s’arrête.
À
l’instant où la sonnette du Commissaire tinte, le peloton repart.
Alors,
moulinant du pédalier, les cyclistes composent dans leur tête le
vers suivant.
Ce
vers est noté quand le peloton s’arrête à nouveau ; et
ainsi de suite.
Il
ne faut pas écrire en pédalant.
Il
ne faut pas composer quand le peloton est arrêté.
Le
dernier vers est transcrit à l’arrivée.
Si
par malchance le peloton perd un cycliste, c’est toujours un moment
délicat de cent mille milliards de sonnets de sonnettes.
Mais
comme tout finit par s’arranger à Bruxelles, on se retrouve tôt
ou tard pour lire au choix un parmi les 10 premiers vers ;
quelqu’un enchaîne sur l’un des 10 deuxièmes vers (100
distiques potentiels) ; ces 100 combinaisons précèdent
indifféremment un quelconque des 10 vers suivants (1.000 tercets)
puis des 10 suivants (10.000 quatrains), et ainsi de suite jusqu’au
quatorzième vers : cent mille milliards de sonnets de sonnettes
auront bien été composés le temps d’une balade à vélo.
Lors
de la lecture, un carillon de sonnettes ponctue la fin d’un sonnet
et annonce le suivant.
(d’après
Jacques Jouet, « Poème de métro »)
Hermès
aux pieds de marbre me dit : « C'est par là, ta ville ».
Une jeune
vierge oulipienne et charnue invite à lire, le groupe attend, je
file.
Mais,
qu'allait-il donc faire dans cette galère, ce Tzar ?
Léopold
II encore un barbu en djellaba, quel bazar !
La ligne
de vie Peter, c'est que jeux de sirènes.
Sur son
vélo devant l'académie, le schizo-freine.
Ô rimes,
ô raison, cette tête est ma prison.
Surréalisme,
la belgitude est ton horizon.
Marre-asthme,
et malheur, ciel peuplé d'antennes.
Mon dieu,
tout ça… c'est que d'l'histoire ancienne.
Alors
regarde lui les yeux, les deux.
Elle a
d'un demi-dieu le feu.
Quand elle
brûle mes fondements, la selle.
Je
m'souviens, t'étais si belle Bruxelles…
Daniel
Hermès
au pied d’argile écume la ville.
Dans les
bas-fonds de savantes vierges défilent.
Transi
d’amour attendre la sortie du tsar.
Grelottant
sur un étalon de bazar.
Peter &
Pan de concert chevauchent la Sirène.
Éperdus
on s’aligne devant Marguerite la Reine.
Un hibou
poète lorgne le bleu de la prison.
Ivre de
café, ça hurle « Terre à l’horizon ».
Sur le
chemin de croix se dressent quinze antennes.
Dans un
demi-sommeil on rêve d’un flou à l’ancienne.
Et
joyeusement nous fîmes l’amour bien plus qu’à deux.
Jamais,
lui dit-il, mon cœur ne brûla d’un tel feu.
Mais sans
votre nez, vous descendrez marri de votre selle.
Celle qui
à vos yeux tant augmente : la beauté de Bruxelles.
Jacqueline
Hermès
au pied léger ou Villo à ville.
Je suis le
vieil indien qui ne marche pas à la file.
Dans quel
sens tourne la gidouille au tsar ?
Mariette
était vendeuse au Grand Bazar.
Quelle
ligne mélodique suit la sirène ?
Il demande
à être élagué, ce pleureur frêne.
Il n'y a
pas d'enjambement en prison.
C'est loin
c'est bleu : horizon, c'est plat l'horizon.
Demander à
Victor Serge de faire rimer antenne.
Avec un
pot-au-feu mijoté à l'ancienne.
La loi
permet aux cyclistes de rouler par deux.
Circulons
en respectant mes illusions feues.
Saisissant
mon vélo par le nez de la selle.
Du fond de
l'océan des étoiles à Bruxelles.
Jean-Michel
Sur
un vélo caduc, je dévale la ville.
Au parc,
de chemins en bassins, je file.
Au fin
fond, ma petite reine séduit un tsar.
Palais,
parcs, écuries, statues : quel bazar !
Et quel
pétard ! Klaxon, dringdring, sirène.
Rois,
barons, comtes, mais pas la moindre reine !
Vite, des
châteaux, descendons aux prisons.
Les geôles
bruxelloises ouvrent l'horizon.
Le ciel
strié de clochers et d'antennes.
Les
jardins profusent d'espèces anciennes.
Les
bicyclettes se reposent deux par deux.
On ignore
le rouge de tous les feux.
Je suis
bien posée sur ma royale selle.
En roue
libre, à moi les parcelles de Bruxelles !
Marianne
J'arrive
en ville.
Sans mon
coupe-file.
J'embrasse
le tsar.
Je me
dirige vers le bazar.
Écoute ô
sirène !
C'est
l'anniversaire de la reine.
La reine
va voir Verlaine en prison.
Verlaine
n'a plus d'horizon.
Caressons-nous
les antennes !
Souvenir
de rimes anciennes.
Avec
Arthur lent pas de deux.
On a brûlé
tous les feux.
Temps de
remonter en selle.
Et dire
adieu à Bruxelles.
Marie-Hélène
On
regarde vers Athènes et vers toutes les villes.
Les
guerriers s'éparpillent puis ils se mettent en file.
La banque
s'est cachée en ignorant le tsar.
Malgré
toutes les couleurs c'est bien le grand bazar.
Les
remparts se fissurent entraînant les sirènes.
Certaines
voix s'élèvent, il est temps que l'on freine.
Nos
pulsions sans limites, nos pensées en prison.
Il faut
lever les yeux et scruter l'horizon.
Même si
on y voit plus de cent mille antennes.
Il faut
s'imaginer comme c'était à l'ancienne.
Un soleil,
une lune, un gros nuage ou deux.
Tout ce
qui nous importe est de garder le feu.
Chacun son
mot, chacun son tour, chacun sa selle.
À
l'impossible nul n'est tenu sauf à Bruxelles.
Marie-Hélène
S'effilochent
les drapeaux et gerbent les eaux de la ville.
Gisent les
statues, sur le boulevard la vie défile.
Du passé
faisons table rase, mort au tsar !
Pattes en
l'air, pattes en terre, Léopold, quel bazar !
Il
traverse le boulevard et dans l'écurie rejoint six reines.
D'un
regard dans l'entrejambe de Peter, une belle hésite et freine.
Tant de
concurrence et le cœur en prison !
Il me
reste à me porter vers d'autres horizons.
Ainsi va
l'amour, les peines finies se dressent les antennes.
La passion
présente gomme les amours anciennes.
Et on se
vautre à quatre et on se vautre à deux.
La vie
s'avale, se boit toute flamme tous feux.
À peine
levé on se réchauffe une soupe au vermicelle.
Quand me
feras-tu des choux de Bruxelles ?
Philippe
Flottent
les drapeaux aux frontons des palais de la ville.
Dans un
grand et paisible écran de verdure où les gisants défilent.
Au fil de
l'histoire c'est dans cette fontaine que s'épanche le tsar.
Un corbeau
dépèce une tartine loin du boulevard et du bazar.
Fermons
les yeux dans le calme du parc où s'estompent les sirènes.
Écoutons
la flûte de Peter Pan juché sur un tronc de frêne.
Que ces
trilles puissent réchauffer Verlaine en prison.
Dans
l'obscurité des trappes s'assombrit l'horizon.
La vie
s'écoule avec la lenteur d'un escargot sans antennes.
Et les
pleurs se taisent sur les briques anciennes.
Mais si
c'est à chaque jour sa peine encore faut-il être deux.
Et les
rues sont longues la nuit quand clignotent les feux.
Alors on
prend un verre, deux, d'autres pour se remettre en selle.
Laissons-nous
griser par les belles de Bruxelles !
Philippe
Qu’on
se le dise et dise : que de mieux que la ville.
Bruxelles
comme modèle d’ainsi, qu’importe les files.
Le fait
d’engins fumeux ou non et rois et tsars.
La ville
comme on l’a vue - c’est un fameux bazar.
La mouille
est ici pluie et non mer à sirène.
Pourtant
des sirènes, y en a, faut qu’on freine.
Des
sirènes, loulou de Cabaret… puis prison !
À vous,
compère : perdez pas de vue l’horizon.
Qu’il en
soit ainsi, ou recours à l’antenne.
L’antenne
porteuse trouble des vérités à l’ancienne.
Peu chaut
d’y croire là, elles peuvent être encore deux.
Ou :
plus et plus qu’y voir, le trop plein mit pleins feux.
Toujours y
veiller fort, car il le faut, être en selle.
Tout
pourtant a une fin, sauf, qui sait, à Bruxelles.
Robert
K
Athènes
des pinceaux là-bas pointe la ville.
Où
puiser ? Aux bas-fonds le peloton défile.
Pressé le
prince Orange a dépassé le tsar.
Qu'affiche
Léopold, la barbe ou le bazar ?
Monsieur
nommé de Ligne a pêché la sirène.
D'homme
aux nougats givrés Yourcenar soit la reine !
Septante-trois
Verlaine honora la prison.
Geert Van
Bruane assis aplatit l'horizon.
Découvre-toi
passant : ni le chef ni d'antenne.
Tout
déférent salue une Belgique ancienne.
Là s'il
compte ses pieds, Pochet s'arrête à deux.
Lacan
brûlait là quand gicla le dôme ô feux !
Moulinent
sept vélos, quatorze arpions sous selles.
Remémoration
d'amicale Bruxelles.
Robert
R
Photos : Philippe Clément - Marie-Hélène Lemoine
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